Ex in the City
Table des Matières
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Table des Matières
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Dédicace
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
© VIRGINIE JACQUIOT
© 2004, Wendy Corsi Staub. © 2005, 2007, Traduction française : Harlequin S.A.
978-2-280-85005-6
Cet ouvrage a été publié en langue anglaise
sous le titre :
SLIGHTLY SETTLED
Traduction française de
CAROLINE CHAMINADOUR
HARLEQUIN®
et Red Dress Ink® sont des marques déposées du Groupe Harlequin
Illustration de couverture
Toute représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait
une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.
83-85, boulevard Vincent-Auriol, 75013 PARIS — Tél. : 01 42 16 63 63
Service Lectrices — Tél. : 01 45 82 47 47
— ISSN 1761-4007
A mes deux très chères Jens : Jennie King Eldridge, qui était à mes côtés à la soirée
fatidique du bureau, où cette histoire a commencé…
Et Jennfer Hill, qui était là pour le deuxième volet :
Une femme mariée en banlieue. Et, comme toujours, pour Mark, Morgan et Brody
avec amour.
1
Trente-huit.
C'est bien moi, Tracey Spadolini.
Je fais du trente-huit.
Incroyable, non ?
Attendez ! Je ne parle pas de ma pointure, mais de ma taille !
Je rentre dans du trente-huit, sans forcer, sans gaine ni culotte spéciale pour ventre plat, et je vous promets que je ne retiens pas ma respiration !
Et toc !
En commençant mon régime au début de l'été, je pensais perdre environ dix kilos, mais une fois sur ma lancée, j’ai continué à maigrir un peu. Aujourd’hui, j’en suis à moins douze, grâce à une alimentation équilibrée, de l’exercice et aussi, il faut bien l’avouer, grâce à mes merveilleuses petites pilules roses.
Mais non, pas des trucs prohibés achetés dans des arrière-boutiques louches. Ce sont de vrais médicaments prescrits par mon médecin pour prévenir les horribles attaques de panique dont j’ai été victime cet été. Selon le pharmacien, il peut y avoir quelques effets secondaires assez désagréables, dans le genre constipation, ballonnements ou diarrhée. Sympa, non ?
Autant vous dire que les premiers jours, je ne me suis pas beaucoup éloignée de chez moi, craignant une déroute intestinale en pleine rue. Mais grâce à Dieu, je n’ai souffert ni de gargouillis gênants ni de crampes abdominales. Au contraire, non seulement les petites pilules roses ont calmé mon anxiété, mais elles ont eu l’effet inattendu de me couper l’appétit.
Mon copain Buckley les appelle « mes petites pilules du bonheur ». C'est lui qui m’a convaincue de consulter un psy après les crises d’angoisse que j’ai eues par le passé. Je croyais qu’elles étaient dues au fait que Will, mon ex-petit ami, m’avait abandonnée. En réalité, il a quitté New York pour participer à un festival de théâtre, mais j’ai vécu son départ comme un abandon.
Le Dr Schwartzenbaum pense que cela a sans doute aggravé et précipité mon inclination à la panique, mais que je souffre de toute façon d’un dérèglement hormonal. Elle doit avoir raison, car depuis deux mois que j’ai commencé le traitement, je n’ai eu qu’une seule crise. Et je n’ai quasiment plus faim, quel plaisir !
Voilà ! Vive les pilules du bonheur !
Pour en revenir aux vêtements, je voudrais que vous me voyiez en ce moment ! Je porte une robe rouge vif, dont le bustier fait joliment pigeonner ma poitrine et affine ma taille. La jupe, un grand volant taillé dans le biais, virevolte autour de mes hanches avec grâce. Cette robe aurait été totalement impossible à porter avant l’été, mais j’ai maigri de la poitrine comme du reste, et cela ne me chagrine pas du tout, bien au contraire !
J’admire mes clavicules apparentes. J’en ai tellement rêvé, de ces clavicules ! Pour moi, c’est le comble de la minceur. Vous n’avez jamais remarqué que toutes les actrices et les top models ont des clavicules visibles ? A chaque cérémonie ou défilé de mode à la télé ou dans les magazines, je ne regarde pas les robes, mais les os des stars !
— Tracey ?
C'est Kate Delacroix qui frappe à la porte de la cabine d’essayage où je m’admire en ce moment.
— Elle me va ! je hurle de joie.
J’esquisse un petit pas de danse et les nombreux miroirs me renvoient l’image d’une jeune femme mince et jolie dans une robe rouge faite pour elle. J’ouvre la porte et Kate en profite pour passer sa tête blonde.
— Waouh ! Tracey, tu es supercanon ! Vraiment ravissante.
Ravissante ! Il n’y a qu’elle pour utiliser des mots aussi désuets avec une telle sincérité. Ce sont ses origines sudistes, sans doute. Je suis un peu gênée qu’elle m’ait surprise en train de m’admirer sans vergogne. Hypocritement, j’adopte un air hésitant, regardant ma silhouette d’un air critique :
— Finalement, je ne sais pas… Oui, ce n’est pas mal, mais…
J’ai les clavicules qu’il faut pour fouler un tapis rouge, mais je ne suis pas une actrice. J’ai beau chercher le défaut caché, je sais que je suis superbe et je n’arrive pas à éteindre la petite flamme de joie qui danse dans mes yeux bruns, ni à empêcher le coin de mes lèvres gercées de se lever dans un grand sourire. Gercées, mes lèvres ? Bon, d’accord, je ne suis pas parfaite. Je suis tellement focalisée sur ma taille que j’en oublie des détails comme celui-ci. Je prends note mentalement de passer à la pharmacie pour acheter du baume hydratant pour les lèvres.
P.S. Prendre aussi rendez-vous pour une épilation.
P.P.S. Et pour une bonne coupe de cheveux.
Retour à mon « ravissant » reflet dans la glace. Cette robe rouge me va mille fois mieux que le chemisier de soie gris que Kate m’a offert et qui a dû lui coûter une fortune. Elle fait toujours des cadeaux moches et hors de prix. Elle aime les choses chères, mais elle a mauvais goût. En tout cas pour les autres. Elle adore le gris et les couleurs un peu passées, et ça lui va très bien. Ça met en valeur ses lentilles de contact vertes et son bronzage permanent, alors que sur moi, ces couleurs éteintes me donnent une mine de déterrée, un peu comme sous une lumière trop vive. Bien entendu, j’ai dit à Kate que j’adore le chemisier, mais je le porte le moins possible. Uniquement pour faire des courses au rayon femmes de chez Bloomingdale. C'est un endroit où vous avez autant de chances de rencontrer un petit ami potentiel que le samedi soir sur Christopher Street à Greenwich Village.
Tout en tirant sur l’ourlet de la robe comme pour la rallonger, j’interroge Kate :
— Tu ne penses pas que cette robe est un peu trop dénudée pour la soirée de la boîte ?
D’un revers de main aux ongles parfaitement manucurés, elle balaie l’objection :
— Nah !
— Tu es sûre ? Parce que je ne veux surtout pas donner l’impression que je m’habille au rabais.
— Tracey, cette robe vaut au moins deux cents dollars, ce n’est pas franchement bon marché !
— Je sais bien, mais parfois, justement, les choses chères font… Kate ! Qu’est-ce que tu tiens contre to
i ?
Je l’attrape par le bras et la fais entrer dans la cabine.
— Mais c’est une robe de mariée !
Elle déglutit, gênée.
— Est-ce que ça signifie que Billy et toi… ?
Alors qu’elle étreint en silence sa robe en satin blanc, je prends sa main gauche à la recherche d’un diamant révélateur.
Rien.
Imperturbable, elle finit par me répondre :
— Billy vient à Mobile à Noël pour rencontrer mes parents. J’espère que nous nous fiancerons à cette occasion. Il sait très bien que je n’ai pas du tout l’intention de continuer cette relation jusqu’à la fin de mes jours, sans que nous soyons mariés.
— Jusqu’à la fin de tes jours ? Mais, Kate, tu ne le connais que depuis trois mois !
Mon ex-petit ami, Will McCraw et moi sommes sortis ensemble durant trois ans. Trois ans ! Et au lieu de nous installer ensemble, nous avons rompu. Pour être honnête, il m’a larguée. Non, d’abord, il m’a trompée, puis il m’a larguée. Et ce fameux jour de la rupture, je suis tombée dans les pommes, à cause du chagrin, bien sûr. Vlan ! Etalée par terre à ses pieds, comme un sac de patates sur le plancher de son appartement, au vingt-sixième étage d’une tour de New York. C'était il y a presque trois mois.
Tant de choses peuvent se produire en trois mois.
Apparemment, c’est aussi ce que Kate pense. Tenant la robe de mariée devant elle, elle valse lentement, faisant bruisser la soie et le satin dont les volants effleurent ses beaux orteils. Elle a l’air émerveillé d’une fiancée dansant dans les bras de son promis. Je regarde ses pieds nus. Des ongles roses nacrés, impeccables pour une fin novembre.
Kate pense à tout, au moindre détail, alors que j’ai honte d’avouer qu’à cette période de l’année, je m’épile rarement les jambes, à moins que je ne doive les montrer à quelqu’un. C'est sans doute aussi pourquoi elle a eu envie d’essayer une robe de mariée. Elle a de grandes chances de la porter d’ici peu pour de vrai, alors que je n’ai même pas un cavalier pour m’accompagner le week-end prochain à la soirée de Noël de Blaire Barnett, la société où je travaille. Cela dit, ce n’est pas un drame, je ne serai pas la seule à venir sans cavalier. Brenda viendra sans son mari, Yvonne sans son fiancé et Latisha sans son copain. Nous serons entre filles pour fêter mon retour au sein de l’entreprise.
Je l’avais quittée en septembre, le jour même de ma rupture avec Will. Mais à l’inverse de celui-ci, Blaire Barnett Publicité m’a demandé de revenir.
Voici ce qui s’est passé. L'intérimaire qui m’avait remplacée a engagé des poursuites pour harcèlement sexuel contre mon ex-patron. Il a été viré sur-le-champ, et on m’a demandé de revenir. J’ai pas mal hésité, surtout parce que je gagnais beaucoup mieux ma vie en travaillant comme serveuse chez Cocktails et petits fours, un traiteur de Manhattan. Mais je reconnais que c’était un job crevant qui me prenait toutes mes soirées et mes week-ends. Et puis mes copines me manquaient. Alors, comme on m’a augmentée et qu’on m’a promis de penser à ma candidature pour le prochain poste de créatif disponible à l’agence, je me suis laissé tenter. J’ai la garantie que je ne serai pas assistante toute ma vie.
Que c’est bon d’être là !
Pour être franche, tout me plaît dans ma vie. Je parle, bien sûr, de ma vie de tous les jours, pas de ma vie amoureuse.
L'amour, c’est une autre histoire. Il n’y a pas de happy end, du moins pas pour l’instant.
Kate qui, elle, est une image vivante de l’histoire d’amour romantique, soulève d’une main ses longs cheveux blonds au-dessus de sa tête afin de tenter d’attacher, de l’autre, les petits boutons qui courent le long du dos de la robe de satin blanc. Je m’approche, me prends les pieds dans des mètres de tissu immaculé, et l’aide à attacher ces boutons minuscules. On dirait des mini-M&M’s, comme ceux qui me sont interdits depuis que j’ai commencé mon régime en juillet.
Kate reprend la parole :
— Je t’assure, Tracey, que c’est long de sortir avec quelqu’un pendant trois mois, sans que cette personne ne s’engage. Si Billy ne m’offre pas une bague de fiançailles à Noël, je serai très choquée.
— Moi aussi.
— Ah, bon ? J’avais cru comprendre…
— Cela ne fait que trois mois, c’est tout ce que j’ai dit. Cela ne veut pas dire que vous ne devez pas vous fiancer.
Je meurs d’envie de lui avouer que j’apprécie aussi peu son Billy que le chemisier de soie grise accroché à la patère de la cabine d’essayage. Mais Kate est mon amie et Billy fait désormais partie du lot, comme le chemisier. Si je suis amère, c’est peut-être parce que ma vie sentimentale est vide. Si je sortais avec quelqu’un, je me réjouirais certainement davantage pour elle. Ça fait six mois que je n’ai pas fait l’amour, il est possible que je ressente une certaine frustration.
Je m’acharne sur les boutons de la robe de mariée, et enfin, mes efforts sont récompensés ! Kate poursuit :
— Raphaël m’a conseillé de ne pas emménager tout de suite avec Billy. Il dit que quand on vous offre du lait gratuitement, on n’a plus envie d’acheter la vache.
Je lève les yeux au ciel en disant à mi-voix :
— Raphaël sait de quoi il parle ; au point où il en est de ce côté-là, il pourrait ouvrir une crémerie et se faire tatouer « vache à lait » là où je pense !
— Tracey ! s’exclame Kate sur un ton faussement offusqué. Raphaël reconnaît lui-même qu’il est volage, surtout depuis sa rupture avec Wade.
— Il était volage bien avant !
— C'est vrai, mais pour ce qui me concerne, il est toujours vieux jeu.
— Avec moi aussi.
— Il veut nous voir mariées parce qu’il veut jouer les tontons gâteaux, dit Kate sur le ton de la confidence.
— Il t’a dit ça ?
— Non, il a « tata gâteau ».
— Oh, mon Dieu, je vois le truc, tata Raphaël !
Je secoue la tête. Raphaël est vraiment à part, c’est un de mes meilleurs amis, mais il est vraiment complètement foldingue et je l’adore !
— Quoi qu’il en soit, Tracey, je te demande de ne pas répéter à Billy ce que Raphaël a dit.
— Sur quoi ? Sur le lait et la vache ?
— Non, sur son envie de devenir la tante de nos futurs enfants. J’ai peur qu’il se fasse faire aussitôt une vasectomie. Tu connais son opinion sur les gays.
Vous savez comment notre cher Billy, qui est conservateur, nomme les homosexuels ? Il les appelle « ces gens-là ».
« Ces gens-là » est une expression que je déteste et c’est une de celles que Billy préfère. Je ne sais vraiment pas ce que Kate lui trouve. D’accord, il est beau et il est aussi riche que Trump. Mais il est superficiel, borné et ultraconservateur. Ce défaut est le pire de tous à mes yeux et pourtant, je sais ce que conservateur veut dire !
J’ai grandi à Brookside, dans l’Etat de New York, mais si loin de la grande ville que ça aurait pu être aussi bien dans le Midwest. Les gens là-bas sont catholiques et républicains, et la grande majorité d’entre eux sont des ouvriers, ce que nous appelons des « cols bleus ». Billy est républicain, lui aussi, mais il vient d’une famille de « cols blancs » et il appartient à l’église presbytérienne. Comme mes compatriotes de Brookside, il est donc très coincé, mais il y a néanmoins une différence entre ma grand-tante Domenica et lui. Elle est convaincue que les homosexuels brûleront en enfer en compagnie du démocrate Bill Clinton et de tous les membres du planning familial !
Alors que j’accroche le dernier bouton dans le dos de Kate, je change de sujet.
— A propos de Raphaël, à quelle heure lui as-tu donné rendez-vous au cinéma ?
Kate interrompt sa muette contemplation d’elle-même dans le miroir.
— Oups !
— Quoi, oups ?
— Je ne peux pas y aller.
— Pourquoi ?
— Billy.
Billy, bien sûr !
— Il m?
??emmène voir Hairspray.
— Tu l’as déjà vu.
Raphaël nous y a emmenées toutes les deux, il avait des invitations pour la première. A l’époque, il sortait avec le chef costumier.
— Je sais, mais Billy a des places à l’orchestre et nous sortons avec son patron et sa fiancée. C'est plus une soirée boulot qu’un amusement. Tu vois ce que je veux dire.
— Oui, je vois très bien.
Il y a un silence lourd de signification.
Elle sait ce que je ressens. Cela me chagrine qu’elle choisisse Billy plutôt que ses amis. C'est la première fois, et je sais que Raphaël sera lui aussi déçu qu’elle ne soit pas là. Nos petites sorties du samedi soir étaient devenues un rituel depuis ma rupture avec Will. Kate et Raphaël m’entouraient car ils avaient peur de me laisser seule avec mes idées noires. Kate nous a déjà laissés tomber le week-end dernier. Billy était malade et elle ne voulait pas le laisser seul. On aurait cru qu’il avait une pneumonie tellement elle était inquiète. En fait, il n’avait qu’un banal rhume, mais elle a joué à la supergarde-malade, soignant son Billy à coups de soupe de poulet, d’oranges pressées, de mouchoirs en papier et de bonbons au miel. Pendant ce temps, Raphaël et moi buvions des Martini en cassant du sucre sur le dos des absents.
— Allez, ne boude pas, Tracey, dit Kate.
— Je ne boude pas.
Il est vrai que moi aussi à l’époque de Will, je n’ai pas toujours été très chouette avec mes amis. Je n’en suis pas fière aujourd’hui. C'est drôle, j’adore Kate quand nous sommes toutes les deux, mais je ne l’apprécie plus autant quand elle est avec Billy. On change avec le temps. Il y a six mois, je n’aurais jamais osé me mettre à côté d’elle devant un miroir. Aujourd’hui, cela n’a rien de ridicule. Vêtues comme nous le sommes, on dirait Blanche-Neige et le Petit Chaperon Rouge. La jolie Kate, mince avec ses longs cheveux blonds et ses grands yeux verts, et la presque aussi mince Tracey, avec ses longs cheveux noirs et ses grands yeux bruns. Son regard croise le mien, nous nous sourions.
— Tu es très belle dans cette robe, Tracey.
— Et toi, tu es magnifique en mariée. J’espère sincèrement qu’il va t’offrir une bague à Noël. J’adorerais faire les boutiques avec toi pour préparer ton mariage.